Texte d'orientation


Précisions préalables :



Démocratie directe et élaboration d’un texte collectif


Il nous paraît utile de montrer aux lecteurs et lectrices de notre Texte d’orientation comment nous avons procédé pour rédiger collectivement ce texte. C’est pour nous un moyen de vous montrer comment nous fonctionnons de manière fédérale en démocratie directe.

Les lignes qui suivent ont donc pour objet de rendre visible la manière dont nous fonctionnons : l’anarcho-syndicalisme est pour nous ce courant révolutionnaire qui ne dissocie pas ses objectifs pratiques immédiats (revendications matérielles, etc.) ou à plus ou moins long terme (avènement d’une société communiste libertaire), de la manière dont ils ont été produits. Or, pour que la démocratie directe puisse être envisagée dans le cadre d’une société anti-autoritaire, encore faut-il démontrer ici-même, au beau milieu de cette société de la dépossession, autoritaire et aliénante, que c’est possible ; encore faut-il mettre en pratique les principes de la démocratie directe pour les affiner, les actualiser ; encore faut-il, chacun, chacune, avoir soi-même expérimenté ces principes pour pouvoir, un jour peut-être, les appliquer dans le cadre d’une autre société.


Entre chaque Rencontre, voilà comment nous fonctionnons en démocratie directe :
 
Cela ne peut marcher qu’avec une bonne dose de rigueur ; pour cela, un cahier paraît dans chaque Bulletin Intérieur (BI) envoyé chaque mois à chaque groupe ou adhérent isolé. Ce cahier s’appelle le « cahier de propositions, contre-propositions et de décisions ponctuelles ». Voilà comment notre Brochure de fonctionnement présente le fonctionnement de ce cahier :

Secrétariat : La personne mandatée a un rôle de coordination au sein du G.A.R.A.S. : elle veille, entre autres choses, au bon déroulement de l’organisation des rencontres. Elle aide à la circulation de l’information en répercutant ce qu’on lui envoie aux autres adhérents. Elle dispose pour cela d’un outil, le cahier de propositions, qui fonctionne ainsi : il paraît tous les mois dans le Bulletin Intérieur (BI), et est composé de trois parties ; la première comprend les propositions soumises à la réflexion collective, la seconde, les contre-propositions aux propositions du mois précédent, et la dernière les positionnements et résultats des votes exprimés. Les contre-propositions peuvent parvenir deux mois de suite et non un seul (cycle de 4 mois pour prendre des décisions au lieu de trois) lorsqu’il y a eu incompréhension et demande de précision ou d’information d’au moins un adhérent isolé ou groupe syndical. Ce cahier ne concerne que les décisions ponctuelles puisque les décisions de fonctionnement sont prises lors des rencontres.
(Brochure de fonctionnement du G.A.R.A.S.)

Une décision ponctuelle se prend donc en trois mois :
-    1er mois : propositions soumises à la fédération,
-    2ème mois : contre-propositions sur ces propositions,
-    3ème mois : positionnement (vote) de chaque groupe et adhérent isolé, en prenant en compte les contre-propositions.
...Cela permet de déterminer une décision en fonction des différents positionnements.

Ce fonctionnement en 3 étapes permet d’affiner la prise de décisions. En effet, si l’on se positionnait dès le 2ème mois sur la proposition et qu’une contre-proposition paraissait plus pertinente, il faudrait se repositionner : cela ne faciliterait pas du tout la clarté de la décision ! Les pertes de temps et d’énergie seraient grandes et désastreuses…

C’est également sur ce mode de fonctionnement que repose l’élaboration de l’ordre du jour de nos Rencontres annuelles.

Processus de décision pour élaborer nos Rencontres (et nos textes fédéraux) :
 
Les décisions de fonctionnement, de contenus de textes fédéraux, s’élaborent en 3 étapes :

-    1ère étape : un groupe (ou un adhérent isolé) émet une proposition (une initiative, un thème de débat, une modification d’une phrase dans un texte fédéral, un ajout de paragraphe, etc.)
-    2ème étape : des groupes ou des adhérents isolés formulent éventuellement une contre-proposition de cette proposition (reformulation, ajout d’une précision). Là, le Secrétaire compile les propositions et contre-propositions ; l’ensemble constitue un ordre du jour qui est envoyé à chacun. Grâce à cela, une position est votée par chaque groupe, ou par chaque adhérent. Les personnes mandatées arrivent donc aux Rencontres avec la position qui leur a été confiée sur chacune des propositions.
-    3ème étape : la prise de décision. Elle intervient lors des Rencontres, après une discussion, par un vote.  

Nos Rencontres sont, pour nous, la mise en pratique, l’expérimentation, des principes de démocratie directe. L’expérimentation, cela signifie qu’il y a tâtonnements, affinement progressif de notre fonctionnement. Et si nous tâtonnons, cela veut dire que, parfois, collectivement, il nous arrive de tomber dans des impasses, de nous embourber ; mais et alors ? nous ne nous posons pas en soi-disant professionnels de la politique, ni, comme l’affirme notre texte de présentation, « en avant-garde d'un quelconque mouvement, et encore moins de notre classe ». Donc, on tâtonne parfois, on fait des erreurs, mais c’est comme cela que nous avançons. C’est ainsi que chaque adhérent, qu’il fasse partie d’un groupe ou qu’il soit isolé, peut garder le contrôle de sa position. Ce n’est pas un bureau qui décide ; c’est chacun ; pour cela, il faut être organisé et rigoureux.

Le Texte d’orientation, pour être jugé publiable, a donc demandé plusieurs phases d’écriture. L’évolution future de ce texte suivra le même processus. La manière dont il été conçu et élaboré est la traduction concrète, la mise en pratique des principes qui y sont exposés et défendus.







TEXTE D’ORIENTATION
DU GROUPEMENT D’ACTION ET DE REFLEXION ANARCHOSYNDICALISTE (G.A.R.A.S.)



Pourquoi nous refusons la société actuelle.


S’organiser sur une base de classe.


Agir ici et maintenant pour notre quotidien,
pour construire une autre société.



_______


A) Nous sommes dans une société organisée sur des bases soi-disant démocratiques et égalitaires, dans laquelle les individus sont considérés comme libres.

1- Une société soi-disant “démocratique”, mais qui repose en fait sur des systèmes de domination.

Les élections sont sensées être démocratiques parce qu’on nous fait croire que c’est le peuple qui décide et s’exprime librement. Mais en réalité, lorsque nous allons voter, il ne s’agit que de déléguer une ou plusieurs personnes pour qu’elles décident à notre place. Lorsque les décideurs élus sont en place, il ne leur reste plus qu’à remplir le chèque en blanc qu’on leur a laissé, et donc à prendre les décisions qu’ils veulent sans nous consulter. Nous ne sommes maîtres de rien : les lois sont votées entre décideurs, et le plus souvent c’est nous qui en payons les conséquences.
Ainsi, en partant de notre société actuelle, si nous avions nous-mêmes décidé de l’organisation du financement de nos retraites, par exemple, nous l’aurions fait dans notre intérêt, et nous n’aurions certainement pas décidé de travailler plus longtemps pour des retraites de misère. De même, si nous avions nous-mêmes organisé le fonctionnement des services (dits publics), nous ne les aurions pas forcément laissés aux mains de l’état ou vendu aux entreprises pour les démanteler.

Les structures politiques ne sont pas les seules à fonctionner sur des rapports de domination ; la société est organisée et conditionnée dans son ensemble par le pouvoir et l’autorité des uns sur les autres. Ainsi, les structures familiales et scolaires sont traditionnellement hiérarchisées et fonctionnent sur le schéma dominants / dominés. Les rapports parents / enfants, professeurs / élèves sont souvent révélateurs à cet égard. Si nous ne remettons pas en question le fait que les adultes doivent trancher dans certains cas et poser des limites car les enfants ne peuvent décider de tout par eux-mêmes, nous pensons néanmoins qu’un enfant mérite d’avoir de l’écoute et que l’on puisse reconnaître qu’il n’a pas systématiquement tort juste parce qu’il est le plus jeune. Pour qu’un enfant évolue au mieux, il faudrait le laisser choisir par lui-même chaque fois que c’est possible ce qui lui convient ou non, et le laisser expérimenter.
C’est ainsi, par l’apprentissage direct, qu’un enfant peut devenir un individu autonome et responsable. Malheureusement, l’éducation de notre société lui apprend le respect et l’obéissance au plus fort, au plus âgé, à la hiérarchie. On le prépare à respecter et pérenniser l’organisation du travail.
Ces fonctionnements hiérarchiques perdurent, d’une part parce qu’ils nous sont inculqués dès la naissance comme les seuls rapports sociaux possibles et d’autre part car ils sont protégés par des systèmes répressifs qui sanctionnent ceux qui dérogent à la règle imposée : forces répressives de l’état (police, armée, appareil judiciaire et pénitentiaire), sanctions au travail (licenciements, chantage à la prime…), sanctions à l’école (punitions, retenues, exclusions...), qui n’ont pas pour but d’aider à comprendre ou réparer l’erreur commise.

Si la société était démocratique, son fonctionnement économique, social et législatif serait décidé collectivement et surtout nous serions actifs dans l’élaboration des propositions et des décisions. Au lieu de cela, nous subissons en permanence le pouvoir de quelques-uns sans que nous ayons le moindre contrôle sur ce qui se décide pour nous : est-ce vraiment une société qui “garantit le bien public” ou bien un groupe d’individus garantissant leurs intérêts personnels ?


2 - Une société soi-disant “égalitaire”, mais qui repose sur le profit et l’exploitation divisant l’ensemble de la population en riches / moins riches / pauvres, ce qui est de fait inégalitaire.

Dans notre société, le travail n’est pas organisé pour le bien-être de la collectivité. Il n’est pas soumis à une évaluation raisonnée des besoins des gens, mais à une volonté, de la part de ceux qui possèdent les moyens de production de faire toujours plus de profits. Le but d’une entreprise n’est pas tant la production de biens ou de services, mais l’accumulation d’argent à travers cette production. Pour cela, elle doit vendre des produits plus attractifs que ses concurrents. Elle cherche donc perpétuellement à réduire les coûts de production (achat des matières premières, du matériel, entretien de celui-ci, salaire des travailleurs, etc…), mais tout en dégageant une marge de profits.
Or, le seul coût de production qu’elle peut réduire à volonté est celui de la main d’œuvre, quand nous ne nous y opposons pas. Les profits de l’entreprise sont la part des bénéfices qui ne sont pas réinvestis dans les coûts de production. C’est une part de richesse qui devrait logiquement revenir aux travailleurs de l’entreprise (puisque c’est le fruit de leur travail qui génère ces bénéfices), mais qui revient aux propriétaires de l’entreprise. C’est ce qu’on appelle l’exploitation.
En réalité, ce n’est pas le patron qui paye les travailleurs, mais les travailleurs qui payent leur patron ; ce sont eux qui produisent la richesse, mais l’entreprise se l’approprie et n’en redistribue qu’une petite partie sous forme de salaires, alors qu’une partie conséquente (les profits) sert à engraisser ceux qui possèdent l’entreprise (patron, actionnaires). Cette exploitation est rendue possible par le système : les travailleurs n’ont pas vraiment le choix ; soit ils acceptent de travailler dur pour un salaire inférieur à ce que vaut leur travail, soit ils n’ont rien pour subsister.
Par dessus le marché, en consommant, nous achetons ce que nous avons nous-mêmes produit !

Dans un système plus juste, notre travail devrait servir à répondre aux besoins de chacun, en respectant les êtres humains et la planète. L’argent n’est pas nécessaire ; pour s’en débarrasser, il suffit d’organiser la distribution de la production L’exploitation entraîne des conditions de travail déplorables - et de plus en plus ! - pour la majorité : pressions psychologiques, rythmes infernaux, accidents du travail, flexibilité…
Certains s’enrichissent donc en toute liberté sur le dos de gens qui triment toute leur vie pour arriver à s’assurer le minimum pour vivre : comment peut-on alors parler d’égalité ?

Les conséquences de l’exploitation d’une majeure partie de la population et des ressources de notre planète sont désastreuses : par exemple, en 1997, les 225 personnes les plus riches du globe totalisaient un revenu annuel équivalent à celui des 2,3 milliards des personnes les plus pauvres (source : PNUD, Programme des Nations Unies au Développement). Autre conséquence : les diverses pollutions (hydrocarbures, radioactivité, produits chimiques…) et la surexploitation (pêche industrielle, agriculture intensive par exemple) font disparaître des milliers d’espèces animales et végétales ; il y a de moins en moins de ressources naturelles (déforestation, appauvrissement des sols, raréfaction de l’eau et des matières premières, pollution de l’air…) alors que la population mondiale augmente.
Comme il faut rentabiliser usines et outils de travail, on les fait tourner, même s’ils sont défaillants, ce qui représente des risques énormes pour l’environnement écologique (rappelons-nous la catastrophe de Tchernobyl ou les grandes marées noires).

L’argent, valeur centrale de cette société dite égalitaire, est fait pour s’épargner, se multiplier, se renouveler, et pour cela il faut investir, spéculer… Quand on a de l’argent, tout devient une marchandise car tout s’achète : on peut alors se faire valoir à travers un monde matériel extensible à volonté. C’est ce qui mène beaucoup de gens à un désir d’ascension sociale : grimper dans les échelons de la société, c’est se donner une chance, un jour, d’arriver à une position confortable et respectable, et d’assouvir sa possible soif de pouvoir et d’accéder à des privilèges. Pour cela il faut être compétitif, être meilleur que les autres ; cela s’apprend d’ailleurs dès l’école qui impose un rythme soutenu à tous afin que les meilleurs soient sélectionnés, cette sélection dépendant pour une bonne part de l’origine sociale des individus. Une telle société ne peut être égalitaire !


3 - Des individus soi-disant “libres” ?  Comment prétendre l’être dans un cadre strictement délimité et surveillé ?

La liberté que cette société prétend défendre est celle de la norme imposée par quelques-uns sous forme de lois et de règlements à n’en plus finir, que la majorité n’a même pas la possibilité de modifier. A cela s’ajoute le conditionnement aux différentes modes et le martelage publicitaire pour nous pousser à consommer.
Notre liberté est finalement encadrée par un système inégalitaire et autoritaire, de contraintes perpétuelles profitant toujours aux mêmes personnes. Notre liberté dépend également des moyens financiers dont nous disposons.
Libres ? D’aller dans les lieux fréquentables, c’est-à-dire les lieux de consommation qui profitent au système. D’où l’intérêt d’instaurer la peur dans la tête des gens en considérant tous les autres espaces de rencontres et d’échanges comme dangereux. Non seulement ces espaces ne sont pas rentables pour les capitalistes (ils ne leur rapportent rien), mais en plus, ils donnent la possibilité aux gens de se rencontrer et éventuellement de s’organiser différemment des structures du système. Cela  peut être nuisible à l’ordre établi puisqu’il n’a aucun contrôle dessus.

Si on laisse ce système s’immiscer petit à petit dans tous les esprits, si on continue à laisser faire en affirmant qu’il n’y a pas d’autres organisations possibles et si on continue à nier le caractère néfaste et destructeur pour l’humanité du capitalisme, nous n’aurons bientôt plus d’espace pour lutter et essayer de mettre en place autre chose. Petit à petit, on renforce les conditionnements par la télé, la publicité, la mode, on durcit les lois ; la surveillance et la répression sont de plus en plus efficaces grâce aux moyens technologiques, on rend notre environnement inadapté à la vie (pollutions diverses, OGM, etc...).

B) Il est donc nécessaire de nous regrouper pour nous organiser, afin de lutter contre les exploiteurs de tout poil ;  remettre en question nos conditionnements, et, à terme, contribuer à mettre en place une autre organisation sociale : c’est le but du G.A.R.A.S.

Selon nous, une structure de lutte doit se faire autour des intérêts propres à notre classe : travailleurs, chômeurs (prolétaires : ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour vivre), étudiants (en tant que futurs prolétaires, pour ceux qui ne feront pas partie de l’élite), et retraités. A l’opposé, le capitalisme défend les intérêts de la classe dominante : patrons, dirigeants (politiques et religieux), et toute force répressive défendant les intérêts de ces derniers.

La conscience de faire partie d’une classe ne va pas de soi. La société capitaliste est construite sur la division de classe entre exploiteurs et exploités, entre dominants et dominés, mais tout est fait pour nous présenter cette réalité comme normale ou nous la faire oublier. Les idées de nation et de citoyenneté sont là pour nous faire oublier qu’il y a une différence d’intérêt et de position entre les dirigeants et les exploités d’un même pays sous prétexte d’êtres nés au même endroit.
La nation et la citoyenneté justifient également l’existence des frontières. Les frontières, les identités nationales et régionales, voilà ce qui divise les gens, dans le plus grand intérêt du patronat et des politiciens, qui eux s’engraissent sans arrêt. D’ailleurs, quand il y a une guerre, on ne les voit jamais en première ligne, ce sont les gens comme nous, auxquels on bourre le crâne avec la défense de la nation qui se font tuer par d’autres personnes de la même condition.

Les exploiteurs et dominants essayent tout le temps de nous intéresser à ce qu’ils possèdent (l’argent) où à la manière dont ils fonctionnent (sur la base du pouvoir) : donner accès à des parts d’entreprise (actions) aux salariés, faire du chantage aux primes (d’intéressement ou de participation) ou encore faire participer les travailleurs à une partie de la gestion de leur entreprise. Ainsi, on nous amène à défendre uniquement nos intérêts individuels dans le cadre du système, à nous isoler les uns des autres. Du coup, il devient difficile d’organiser notre force collective, et sans cette force, nous ne pouvons que nous soumettre à ceux qui ont le pouvoir économique et politique (on se tait devant son patron en toute circonstance, on n’arrive pas à faire reculer un gouvernement, on accepte la baisse du salaire hors primes, les heures sup. pas payées, l’augmentation des cadences…).
Les pratiques de divisions et d’intéressement au capitalisme visent à solidifier le socle sur lequel reposent les dirigeants, en faisant participer les gens à leur propre exploitation. La méthode du “management participatif” en est un bon exemple : grâce à celle-ci, certains patrons, lâchant un peu la bride aux travailleurs, qualifient l’organisation du travail “d’autonome” voire “d’autogérée”, détournant ainsi les mots de leur véritable sens et les vidant de leur contenu…
L’émergence et la création de la classe moyenne ont correspondu à une évolution économique du capitalisme, et aujourd’hui la classe dominante s’appuie sur elle pour gouverner. L’accès d’une partie de la population à un bon niveau de vie et donc à un environnement matériel non négligeable a rendu plus difficile la remise en question du système : celui-ci lui offre déjà beaucoup, elle aurait trop à perdre à le remettre en cause.
Les divisions alimentées par la classe dominante sont nombreuses et variées : citons la division public/privé qui empêche souvent les travailleurs de défendre leurs intérêts ensemble. Le corporatisme sert à isoler les luttes pour qu’elles ne prennent pas trop d’ampleur, pour éviter que le rapport de force soit inversé. Il s’agit d’empêcher qu’une solidarité active, nécessaire à un bon déroulement des luttes et à leur aboutissement, ne se mette en place, et d’éviter que les gens prennent l’habitude de fonctionner ensemble : ils risqueraient de prendre trop clairement conscience de l’exploitation, des conditions de vie pourries subies par chacun, et donc des intérêts à lutter ensemble.
Ces divisions sont autant d’obstacles à ceux qui pourraient s’organiser collectivement et donner une réponse aux exploiteurs. Ces derniers savent que s’ils ne divisent pas, s’ils n’empêchent pas le regroupement de ceux qu’ils oppressent, ceux-ci pourraient bien, de par leur nombre et de par ce qu’ils subissent, se révéler être une vraie menace pour l’ordre établi.

Il s’agit donc de prendre conscience de la situation de division où nous nous trouvons et des manœuvres de la classe dominante, subtiles pour certaines, pour les dépasser en recréant par nous-mêmes des espaces où l’on peut se regrouper pour agir en toute autonomie : les luttes sociales sont, par exemple, des lieux appropriés pour cela car nous pouvons nous retrouver sur les mêmes problèmes, en discuter, et passer à l’action collective.


1 - Un changement radical de société signifie mettre à bas les bases du fonctionnement de la société d’aujourd’hui pour les remplacer par d’autres, réellement égalitaires et démocratiques. Comment ?

Nous ne soutenons pas l’idée d’une amélioration de la société par des réformes successives car cela signifie que celle-ci continuerait à fonctionner sur les mêmes principes : accumulation du capital par l’exploitation de travailleurs, démocratie parlementaire dite “représentative”, autoritaire et bourgeoise qui refuse le droit au peuple de s’organiser par lui-même.
En effet, les réformes ne peuvent pas changer les principes de fond du système, mais seulement la forme qu’il prend : par exemple, même si des réformes peuvent permettre de rendre l’exploitation moins pénible, elles ne peuvent y mettre fin car cela s’attaquerait trop directement aux intérêts de ceux qui tiennent les rênes. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas se défendre dès aujourd’hui, car plus on se laisse faire, plus le patronat en profitera pour nous exploiter et nous enfoncer, mais ne nous faisons pas d’illusions sur ce qui peut être acquis dans le cadre de cette société. Ce qui est lâché d’une main sera repris de l’autre ensuite : l’inflation annule en partie ou totalement les effets de l’augmentation des salaires ; en période de crise économique les acquis sociaux sont sacrifiés ; nos droits revus à la baisse ; le code du travail perpétuellement remis en cause, et toujours en notre défaveur dès lors que le rapport de forces  penche du côté des dominants (Etat, patronat et forces de sécurité).

Pour résumer, ce que nous vivons en ce moment c’est le durcissement des conditions d’exploitation de notre force de travail, la volonté d’économiser au maximum sur le social pour continuer à être compétitifs. Ce qui a été acquis par des réformes, et accordé pour maintenir la paix sociale, nous est aujourd’hui repris. Dans le système actuel, les réformes allant vers davantage d’égalité seront toujours provisoires…
Si les dominés ont hélas peu à peu délaissé le terrain de la lutte de classe, les capitalistes de leur côté, n’ont jamais abandonné leur lutte des classes (la destruction du droit du travail par le patronat et l’Etat illustre ce processus) : la logique du système gangrène l’ensemble de la société, pousse à toujours plus d’exploitation, toujours plus d’indignité, toujours plus de cynisme. Il n’est pourtant jamais trop tard pour reprendre notre lutte des classes ! De notre point du vue, le changement doit donc être global, car la construction d’une autre organisation sociale n’a aucun sens si elle reproduit les mêmes dérives autoritaires et inégalitaires.

L’orientation principale de notre groupement est l’anarchosyndicalisme, pratique de lutte de classe essentielle si nous souhaitons nous organiser pour nous défendre dès aujourd’hui, et pratique porteuse d’un projet de société pour demain  : le communisme libertaire.
•    Communisme, c’est à dire la propriété collective de tous les moyens de production, se réalisant par leur prise en main immédiate et directe par les travailleurs (pas de phase transitoire). La production se réorganisera pour répondre à nos besoins, pas pour réaliser le profit de quelques uns au détriment des autres.
•    Libertaire, c’est à dire une organisation sociale mise en place par nous-mêmes dans le rejet de toute autorité parasite, sans Etat, sans élite ou parti qui régisse nos vies. Nous luttons dès maintenant, tout en sachant que dans le capitalisme il n’y a pas d’autre avenir pour nous et nos enfants que celui d’être exploité et dominé. Avec la logique de profit appliquée à la planète entière, nous savons en plus qu’il n’y a pas d’autre issue que notre lente destruction.


2 - Agir ici et maintenant

Nous prônons l’auto organisation par le fonctionnement en Assemblées Générales souveraines et la mise en place d’actions directes. Ainsi, au niveau d’une entreprise, nos actions doivent viser à paralyser le fonctionnement économique de celle-ci afin de faire pression au niveau de ses dirigeants pour faire aboutir efficacement des revendications.
A d’autres niveaux, comme par exemple celui du chômage et de la précarité, l’action directe peut se concrétiser par une occupation et un blocage d’un ou de plusieurs lieux stratégiques déterminés en Assemblée Générale (par exemple, là où se prennent les décisions pour nous) ; il est évident qu’il faut au préalable évaluer les rapports de force, et décider de ses actions collectivement en conséquence.
Cette pratique active a aussi pour but d’affirmer et de montrer que, comme les véritables acteurs de la production sont les travailleurs eux-mêmes, nous avons donc le pouvoir de décider de la manière dont nous souhaitons organiser notre travail : lors d’une révolution autogestionnaire, et afin de répondre aux besoins de tous, c’est la production qu’il sera nécessaire d’assurer ; et cela ne pourra être durable que si nous avons préalablement - c'est-à-dire dès maintenant - appris à gérer collectivement cette production.

Pour résumer, l’anarchosyndicalisme reste pour nous plus que jamais pertinent car ce mode d’organisation révolutionnaire réunit de manière cohérente et rigoureuse la fin et les moyens.
Pour nous, l’anarchosyndicalisme est le moyen qui nous paraît le plus pertinent dans le contexte actuel pour lutter contre le capitalisme (moyen) et pour parvenir - éventuellement un jour - au communisme libertaire (fin).
•    Les principes anarcho-syndicalistes permettent de lutter collectivement contre le capitalisme en agissant sur sa clef de voûte (l’exploitation par le travail)
•    Une organisation anarchosyndicaliste permet un fonctionnement qui prépare déjà la réappropriation de nos savoir-faire et conditions de vie ; fonctionnement qui préfigure la vie collective d’une éventuelle société anti et post-capitaliste (communiste libertaire). Pour nous, seul un tel type d’organisation est à même de permettre une Révolution sociale qui évitera la mise en place désastreuse d’une avant-garde ou d’une “dictature du prolétariat”.

Le but n’est donc pas de reproduire ce que sont les syndicats aujourd’hui, c’est-à-dire des organes de co-gestion du capitalisme, des “partenaires sociaux” comme on les appelle si justement. Leurs fonctionnements internes reproduisent les hiérarchies sociales qui nous laissent donc très peu d’espaces pour proposer et décider. Il suffit de voir les positions que prennent les dirigeants syndicaux sur les luttes pour se demander sincèrement de quel côté ils sont.
Le but du G.A.R.A.S. est de devenir un syndicat de lutte, posant réellement le rapport de force avec les exploiteurs afin d’obtenir le maximum de ce que nous voulons, et aidant à un changement de société. Il faut donc que nous développions nos objectifs de défense et d’attaque, et que nous les liions à notre projet.
Ainsi, par exemple, l’autogestion au sein des luttes peut rendre crédible en pratique l’abolition de la propriété privée des moyens de production, car si nous sommes capables de nous organiser collectivement pour nous battre pour nos intérêts, nous en sommes tout aussi capables pour organiser notre travail et donc pour remettre en question le fonctionnement actuel du système économique.
En cela, il n’y a aucune contradiction entre le fait de défendre des intérêts immédiats et le fait d’être révolutionnaire, de vouloir changer l’ensemble du fonctionnement de la société : c’est par notre organisation présente que nous pourrons rendre possible notre organisation future, car ce sont les petites victoires dans les luttes au quotidien qui donnent confiance, qui prouvent que s’organiser collectivement est beaucoup plus efficace et a beaucoup plus de poids que de rester isolé ou que de s’en remettre à d’autres pour défendre ses propres intérêts.
Enfin se regrouper sur des bases anarchosyndicalistes permet de mettre en pratique les idées que nous défendons ; pas de leader ou de chef pour évaluer nos besoins ou nos désirs : c’est nous qui proposons et décidons collectivement. En plus de s’organiser pour lutter, cela permet de créer des lieux où s’échangent savoirs, expériences, pratiques, où l’on peut débattre, où se met en place la solidarité, où des projets peuvent voir le jour…

Nous avons également conscience que pour changer le fonctionnement d’une société, il faut contribuer à changer les mentalités et les conditionnements que nous subissons tous : autorité, soumission, esprit de consommation, racisme, sexisme… C’est la raison pour laquelle le G.A.R.A.S. se veut être aussi une structure de réflexion, de remise en question permanente de ces habitudes de penser et d’agir qui ne peuvent que servir le système capitaliste…
Nous sommes attentifs à ces conditionnements au sein même de notre organisation car nous avons bien conscience de les véhiculer parfois, même si nous les rejetons. Le G.A.R.A.S. s’articule donc aussi sur le débat et la discussion libre autour de ce que nous pouvons nous-mêmes reproduire ; nous pouvons ainsi mettre en œuvre des moyens pratiques pour lutter contre l’autorité. Par exemple : mandats (tâche définie par l’ensemble et exécutée par une ou des personne(s) choisies), rotation des tâches, espaces réservés aux débats, critiques et autocritiques que nous essayons de rendre constructives, et en tout  dernier recours, l’exclusion.


3 - Sur quelles bases voulons-nous nous regrouper ?

    Le G.A.R.A.S. a donc pour but de regrouper les membres de la classe dominée comme elle a été définie plus haut. Par contre, il refuse de s’organiser avec tous ceux qui, de par leur fonction, défendent le système actuel et ceux qui le rendent possible : patrons, dirigeants, forces de l’ordre assermentées à l’usage de la violence physique ou appartenant à des organes de surveillance politique (Renseignements Généraux, par exemple), mais aussi tout cadre supérieur, participant activement à la gestion et à la stratégie de l'entreprise ou de la fonction publique où ils travaillent, et agissant sur de vastes espaces territoriaux et/ou encadrant un personnel nombreux.

Nous sommes une organisation vouée à devenir une organisation syndicale et politique. Nous ne sommes pas un parti politique, car nous sommes convaincus qu’un parti est systématiquement destiné à se bureaucratiser, c’est-à-dire à créer des postes de pouvoir, et non à les remettre en cause (participation aux élections, hiérarchie au niveau de son fonctionnement). En cela, un parti politique est prêt à défendre ses propres intérêts pour assurer sa prédominance, et non à assurer les intérêts de la collectivité pour le bien-être de celle-ci. Enfin, nous ne nous considérons pas comme une élite qui éclairerait le monde de ses conceptions politiques, et qui le guiderait vers une révolution, mais comme un regroupement de gens ayant la volonté de rassembler le plus de personnes possible pour agir sur les lieux de travail, sur la société en général afin de renverser le rapport de force actuellement en notre défaveur. C’est la raison pour laquelle nous refusons de nous organiser avec les membres des partis politiques.

Nous refusons également au sein de notre regroupement toute religion quelle qu’elle soit et tout prosélytisme religieux, car la religion est pour nous un instrument de domination, un dogme utilisé pour soumettre ceux qui y adhèrent sincèrement. Elle contient une morale qui ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons de la liberté, et un code de vie oppressif et contraignant. Mais nous ne refusons pas pour autant  de nous organiser avec des personnes croyantes, si elles ne font pas de prosélytisme, et si elles acceptent bien entendu les critiques que nous émettons sur les religions lorsque nous militons sur l’extérieur.

Le GARAS défend les bases suivantes, à travers sa pratique anarchosyndicaliste :


•    Solidarité, interprofessionalisme :


Si nous, prolétaires, faisons tous partie d’une même classe de par nos intérêts, c’est unis que nous  parviendrons à mieux lutter et obtenir ce que nous voulons. Il n’y a donc pas de raison de nous diviser en secteurs de travail se méprisant les uns les autres. C’est justement ce que le système favorise car il connaît bien la règle “diviser pour mieux régner”.
Les luttes doivent donc se fédérer, même si chacun lutte dans son domaine particulier ; l’interprofessionalisme dans les luttes c’est automatiquement la solidarité qui est mise en œuvre.
Par exemple, lors d’un mouvement social, chacun peut lutter dans sa branche mais sur une base de revendications commune aux autres branches et en essayant de s’organiser avec elles. Autre exemple, lorsqu’il est question de se faire payer les jours de grève dans une lutte, il est plus que nécessaire d’être solidaire, d’autant que tous les travailleurs, à ce moment ont le même intérêt à lutter.
Ce n’est que comme cela que peut se construire un mouvement d’ampleur qui peut mettre la pression sur nos dirigeants et qui peut nous faire gagner la bataille. En morcelant les luttes, en restant uniquement sur son terrain propre, les dirigeants ont d’autant plus de marge de manœuvre, car ils savent que si une catégorie de travailleurs isolée perd la bataille, elle arrêtera la lutte. Favoriser une catégorie contre les autres est aussi une stratégie de division à laquelle nous ne devons pas céder.


•    Anticapitalisme :

Cinq raisons majeures nous conduisent à nous organiser sur des bases clairement anti-capitalistes.

1.    Trop souvent, on entend dire qu’il n’est pas possible de sortir du capitalisme et que, d’ailleurs, “ même le « communisme », on a vu ce que cela a donné ”. Or, si notre imagination nous fait défaut pour inventer, il est toujours possible de se tourner vers l’histoire : des expériences collectives, trop souvent oubliées, toujours étouffées (Bourses du Travail en France, expériences libertaires en Ukraine et en Espagne (1936-37), Conseils ouvriers de Budapest en 1956) montrent bien, même si l’on doit être critique ici ou là, que l’on peut s’organiser à vaste échelle sur des bases radicalement autres.
2.    Le système capitaliste est un système de domination et de dépossession de ce qui fait un être humain. Le salariat, malgré des avantages concédés de haute lutte et sans cesse menacés d’être repris par le patronat, reste un statut dépendant, infantilisant, aliénant. Le salarié est un exploité. Il ne décide rien, alors que c’est lui qui produit toutes les richesses. De plus, nous ne décidons pas ce que nous devons produire, nous n’avons aucune prise sur la définition de nos besoins. Or, une organisation sociale autogérée et égalitaire ne pourra fonctionner que si elle s’appuie sur les besoins de la population, et non sur le profit et les intérêts financiers de quelques uns. Notre travail, c’est-à-dire ce que nous produisons, doit répondre à nos besoins, pas à des exigences patronales motivées par l’accumulation de capital et réalisées par le biais de l’exploitation et de la domination par les plus puissants et les plus riches.
3.    De plus, on sait qu’aujourd'hui le système capitaliste n’est pas viable écologiquement. La recherche du profit maximum et immédiat conduit à des absurdités et des catastrophes. Cet argument seul suffit à vouloir renverser ce système d’exploitation cynique. On sait aussi que les paris sur la fin proche du pétrole à bon marché vont aggraver les contradictions du système et que, du coup, l’exploitation qui pèse sur les producteurs, va s’aggraver également. Cet avenir, sombre, nous concerne tous, quel que soit d’ailleurs notre niveau de vie. Il s’avère donc que la poursuite inexorable de la croissance économique, du capitalisme donc, est non seulement impossible, mais que tout acharnement en ce sens est criminel. Il conviendrait donc de rompre avec les analyses, devenues à notre sens caduques qui misent sur la poursuite indéfinie du progrès technique pour assurer, même dans une société non-capitaliste, bonheur et prospérité à tous et à toutes.
4.    Le capitalisme détruit les valeurs morales, symboliques qui en ont permis l’émergence, mais aussi sa contestation, ainsi que la possibilité de reconstruire une société autre. En effet - et c’est sans doute le plus grave ! -, toutes les valeurs morales (au sens large du terme) qui préexistaient à la généralisation du système capitaliste, ont été digérées par lui, pour mieux soumettre et dominer. Or, ces valeurs sont peu à peu toutes détruites par le capitalisme et ce processus rend davantage improbable la réalisation effective d’une société libre égalitaire et décente (certains parmi les révolutionnaires veulent nier ce constat et font comme si la Révolution était pour demain ; mais qu’elle puisse effectivement un jour advenir ou non, nous pensons qu’il vaut mieux regarder cette vérité en face, malgré le fait qu’un tel constat tende à démoraliser, démobiliser des militants sincères).
5.    Pendant longtemps, on a pensé, des marxistes aux anarchistes, dans le contexte scientiste qui est le nôtre, que l’industrialisation de toute production et “l’accroissement indéfini des forces productives” (Marx) conduirait à une disparition du travail (ou plutôt : transférerait tout le travail productif aux machines, et libérerait du temps pour des activités récréatives, créatives et militantes et autres constructions libres de situations… Or, le développement de l’automatisation s’étendant à présent à une grande partie de la production, on peut se rendre compte qu’il y a un mouvement inverse entre l’infiltration croissante des moyens techniques dans nos vies d’une part, et nos capacités à agir sur nos conditions, à penser nos conditions d’autre part.  En somme, plus la technique et l’industrie prennent de place et absorbent tous les aspects de nos existences, moins nous avons la capacité à prendre nos vies en main. La société industrielle dans laquelle nous vivons nous offre sans cesse plus de prothèses, se rend sans cesse davantage indispensable en suscitant de faux besoins (l’Etat fonctionne de même) ; la conséquence, c’est que nous devenons chaque jour de moins en moins capable de penser et d’agir sur nos vies sans cette matrice industrielle dévorante et aliénante. De ce fait, nous, membres du G.A.R.A.S., estimons qu’une société composée de membres libres et égaux organisés sur des bases fédéralistes, société que nous appelons “communiste libertaire”, ne pourra exister qu’à la condition de mettre à terre (et de renoncer à) une grande partie du système industriel (un inventaire est à faire) qui nous dépossède et nous rend infirmes.

Dans cette perspective, l’anarcho-syndicalisme tel que nous entendons le mettre en œuvre offre une pratique révolutionnaire cohérente pour deux raisons :
1) d’une part l’anarcho-syndicalisme permet aux producteurs de se réapproprier dès maintenant leurs savoir-faire, leurs capacités à s’organiser et à décider sans renforcer la dynamique de l’exploitation capitaliste : sa mise en pratique n’attend pas les lendemains qui chantent, elle peut être engagée ici même, au beau milieu des décombres de la société capitaliste ;
2) d’autre part, dans le contexte actuel de dépossession massive et générale de nos capacités à agir et à décider du fait d’un système industriel devenu prothèse tentaculaire et inamovible, la pratique anarchosyndicaliste devient nécessaire pour préparer l’éventualité d’une société communiste libertaire où se sont les producteurs eux-mêmes qui devront (avoir la capacité, le savoir-faire pour) prendre en charge l’intégralité d’une production décidée et gérée collectivement.


•    Anti-autoritarisme :

Cette organisation autogestionnaire doit remettre en question tout rapport d’autorité qui rend possible l’exploitation, tout rapport de domination et de soumission, rapports sur lesquels reposent une grande partie des relations humaines aujourd’hui.
Citons par exemple, le sexisme, qui est une domination des hommes sur les femmes, le racisme, qui est la croyance en l’existence de plusieurs races au sein de l’espèce humaine et à la domination de l’une sur les autres, la xénophobie, qui en est une des “nationaux” sur les étrangers, ou encore la domination des intellectuels sur les manuels, des penseurs sur les exécutants.
Nous subissons tous des conditionnements à la domination et à la soumission, et les reproduisons plus ou moins dans notre vie quotidienne ; c’est pourquoi il est nécessaire de commencer dés maintenant à en prendre conscience, afin de les remettre en question.


•    Fédéralisme :

C’est parce que nous sommes plus efficaces unis que nous pensons nécessaire de nous organiser sur un mode fédéraliste. Autant dans les luttes qu’au sein de notre structure syndicale et politique il doit exister un lien qui permette de faciliter la communication et l’accès à des moyens communs, matériels comme humains.
Ainsi, dans une organisation, il est bien plus égalitaire de créer une caisse (trésorerie) commune que de laisser chaque groupe se débrouiller avec ses propres moyens. Chacun peut de cette manière profiter du même bien, alors que si celui-ci est individualisé et que chacun reste isolé, des groupes aux moyens restreints verront aussi leurs activités militantes restreintes, ou dépendre des dons des plus riches. De même dans une lutte locale, s’il n’y a pas de lien fédérateur à des niveaux géographiques plus grands, elle reste lutte isolée et perd le poids qu’elle pourrait avoir si elle se coordonnait  de manière plus large.
A l’échelle d’une organisation, le fédéralisme permet de garder une certaine cohérence au niveau des principes communs. Les accords fédéraux, qui fonctionnent comme des contrats, garantissent ce qui est décidé collectivement  au niveau des orientations de la structure, et limitent la prise de pouvoir d’une minorité. Si un ou plusieurs individus ne se retrouvent plus sur ces principes, ils peuvent en proposer une modification soumise au vote. En cas de désaccord trop important, ils peuvent quitter la fédération et choisir un autre mode d’organisation. Par contre, ils ne peuvent détourner ou ne pas respecter ces principes, ou les changer à eux tous seuls.
Ce mode d’organisation se différencie du réseau dans lequel les groupes communiquent de manière informelle, ne mettent pas leurs ressources en commun, n’exercent pas de contrôle collectif, et agissent indépendamment les uns des autres, au risque, souvent, de perdre leur cohérence.
Comment une structure fonctionnant en réseau peut-elle garantir des principes de base stables alors que n’importe qui peut agir comme bon lui semble en son nom ? Comment, de plus, une structure organisée en réseau pourrait-elle sérieusement préparer l’édification d’une société anti-autoritaire, fonctionnant en démocratie directe de manière fédérale, si ses membres refusent l’éthique, les contraintes et la rigueur d’un pacte fédéral ?
Il convient par ailleurs de remarquer que la domination, si elle s’est un temps appuyé sur l’Etat, cherche aujourd'hui à le contourner et s’y substituer par des réseaux plus puissants (Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), Fonds Monétaire International (FMI), Forum de Davos, etc.) qui sont autant de groupes de pression et des lieux de décision totalement opaques et non-démocratiques ; et que l’Etat centralisé, tel que nous le connaissons, même avec un bon vernis républicain, n’a finalement jamais su (voulu ?) éradiquer les fonctionnements féodaux, mais qu’il n’a fait que les canaliser (il n’y a qu’à regarder les fonctionnements au hauts niveaux d’un Etat : ils sont de type purement féodaux).
Pour nous, on peut travailler en réseau, mais pas monter une organisation révolutionnaire fonctionnant en réseau : nous préférons une confédération. Une structure telle que le réseau ne peut que favoriser les prises de pouvoir individuelles ou minoritaires et le chacun pour soi ; et cela, nous voulons nous en préserver un maximum. C’est bien parce que nous entendons mener une réflexion et des expérimentations pratiques (avec le droit à l’erreur) sur l’autorité et le pouvoir que nous n’avons pas peur de nous organiser avec rigueur et sur un mode fédéral.


4 - Que voulons-nous en définitive ?

Notre but ultime est la réalisation, à l’échelle planétaire, d’une société communiste libertaire, sans Etat, sans patrons, sans classes, où nous nous organiserons nous-mêmes : la production de biens, l’école, les loisirs, les services, les échanges, tout cela sera géré collectivement, et profitera à tout le monde.
Des mandatés révocables et renouvelables (selon le principe du partage des tâches et de leur rotation), représentant les assemblées décisionnelles, agiront selon les décisions prises par l’ensemble.
Tout le monde aura sa part de travail pour assurer la subsistance de la collectivité, en fonction de sa capacité, mais chacun aura aussi sa part de temps libre pour son épanouissement personnel, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Comme il y aura une redéfinition de la production et qu’elle ne se fera plus selon le profit, la surproduction et par conséquent la surconsommation seraient évitées, ainsi que toutes leurs conséquences (pollutions, surexploitations, affaiblissement des ressources naturelles).
Sans doute changerons nous petit à petit nos mentalités et nos conceptions des choses : domination, possessions, compétitivité, ascension sociale seront des volontés que nous n’aurons plus de raison d’avoir. Les valeurs ne seront plus les mêmes : l’abolition de l’argent, la transformation du travail (fin de la propriété privée des moyens de production), de l’éducation (rapports familiaux et scolaires différents), l’abolition des frontières (libre circulation, ouverture vers d’autres peuples), tout cela permettra le développement des valeurs que nous défendons.

Cela dit nous ne nions pas la difficulté de mettre en place une telle société ; nous avons conscience qu’il faudra du temps et que le maintien de cette société ne se fera pas tout seul.
Il faudra certainement créer des garde-fous, autres que la répression que nous connaissons aujourd’hui, pour préserver cette société de tout retour en arrière, car au début, les comportements n’auront pas tous changé, loin de là.
Il faudra mettre cette nouvelle société à l’abris des assoiffés de pouvoir, surtout si ces derniers n’ont aucun scrupule à utiliser la violence pour tenter de dominer.

Pour le moment, le G.A.R.A.S. est une structure de transition dont le but est la création de liens et d’échanges nécessaires pour la création d’une nouvelle organisation anarchosyndicaliste.
Cela passe autant par des discussions sur notre projet politique et nos méthodes de lutte, que par l’action militante au quotidien, c’est-à-dire la participation active aux luttes sociales qui défendent et qui correspondent aux intérêts de notre classe.

Ce texte est provisoire, il est le reflet de la position des adhérents actuels ; il évoluera au fur et à mesure de la construction de cette nouvelle organisation.


Adopté par le G.A.R.A.S.
  modifié à Montpellier, le 4 novembre 2007.




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